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Alice Andral

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Alice ANDRAL

Experte en hydrologie spatiale - CNES - France

En quoi consiste l’hydrologie spatiale ? Quel est le rôle des satellites dans la mesure de l’impact du changement climatique et sur les ressources en eau ?

L’hydrologie spatiale consiste à utiliser les observations des satellites pour en extraire une information utile pour l’eau. Ça peut porter à la fois sur les précipitations, la mesure de l’humidité du sol. Il y a aussi l’altimétrie spatiale qui permet d’avoir les mesures d’élévation de l’eau, d’avoir une notion de hauteur d’eau. Ça peut être de l’observation et de l’imagerie qui permettent de voir où se trouve l’eau : toutes ces activités intéressent l’hydrologie au sens large.


Un des avantage des satellites pour gérer, anticiper le changement climatique, c'est qu’il permet d’avoir des données globales, spatiale, et il donne une vision en 2 dimensions de ce qui se passe sur la Terre. C’est une mesure homogène sur l’ensemble du Globe: ce que l’on voit en France, on le voit tout aussi bien ailleurs. Dans le cadre de l’impact du changement climatique, le spatial est très utilisé : par exemple, il a permis de voir l’élévation du niveau de mer. Sur les zones continentales, on voit l’évolution des traits de côtes, l’évolution morphologique des cours d’eau.


Tous ces paramètres sont mesurés depuis un certain temps, on a des images depuis près de 30 ans avec LANDsat, et l’on a ainsi une garantie sur la continuité des données dans le futur. Cela permet d’avoir un suivi de l’évolution des données à très court terme, sur les dernières années, de ce qui se passe sur Terre. On arrive à avoir une première estimation des évolutions et des premiers impacts.

Comment s’opère la passerelle entre le monde du spatial et le monde scientifique ? Comment la technique du spatial sert la gestion de l’eau et la science ?

Sur la partie science, le CNES (Centre national d'études spatiale, l’Agence Spatiale Française) a de très forts liens avec l’ensemble de la communauté scientifique française, et soutient des programmes de recherche pour comprendre ce que l’on observe, avoir des algorithmes, des traitements pour extraire des nouvelles informations. Il y a de réelles concertations entre le monde scientifique et le CNES. Ce canal communication Science-Spatial fonctionne très bien.


Par contre, dans le domaine de l’hydrologie, l’utilisation du spatial par les acteurs de l’eau n’est pas quelque chose auquel ils sont habitués, il y a un besoin de sensibiliser les gens: il est toujours difficile de faire comprendre à un hydrologue de terrain qu’avec un satellite qui est à 800 km d’altitude, on arrive à avoir des paramètres mesurés précisément. Il y a toute une phase d’explication, de démonstration de ce que le spatial peut faire, de discussion et d’échanges pour que nous adaptions nos produits et les rendions plus facilement utilisables, et que l’expertise nécessaire pour utiliser les produits soient moindre.


Tout cela est en construction, c’est le but du groupe “Hydrologie Spatiale” qui est piloté par l’OIEau: mettre ensemble les acteurs de la science, les acteurs institutionnels, des privés, autour d’enjeux communs pour comprendre vraiment ce que le spatial peut apporter et voir comment, eux, ils peuvent l’utiliser et se l’approprier pour faire des applications et des services.

Quelle est l’importance de la coopération internationale dans le domaine de l’hydrologie spatiale ? Pourriez-vous donner trois exemples concrets illustrant l’importance de la connaissance, de l’innovation et du partage d’information?

Sur l’hydrologie spatiale, le moteur actuel est le futur satellite SWOT (Surface Water Ocean Topography). C’est le premier satellite d’altimétrie qui est dédié aux eaux continentales: toute l’instrumentation qui est à bord est faite pour que ce que l’on va observer sur les eaux continentales soit d’une meilleure précision, et que l’on puisse avoir une couverture quasi globale. Ce satellite est à la fois une révolution dans la science, mais aussi sur les applications que l’on peut avoir sur l’eau. C’est vraiment un programme moteur, financé par le Programme Investissement d’Avenir français qui, du fait des enjeux applicatifs pour sensibiliser les gens à ces données là et à l’hydrologie spatiale, est un programme qui est fait en partenariat avec la NASA aux Etats-Unis et l’Agence spatiale canadienne. Il y a tout un réseau de ce que l’on appelle des “early adopter”, des personnes qui ne sont pas forcément au courant de ce fait SWOT, mais que l’on sensibilise, qu’ils soient au Pakistan, en France, en Afrique, dans différentes régions du Monde. Ce programme satellite est très structurant à la fois d’un point de vue scientifique et d’un point de vue pour les utilisations futures.


Sur la partie hydrologie, la plupart des données spatiales sont gratuites et disponibles pour tous. Par exemple, pour le projet mené sur le bassin du Congo, qui est un bassin transfrontalier, les mesures in situ sont propriétés des Etats, mais la donnée spatiale ne connait pas les frontières, ce qui facilite les échanges puisque l’on a une information qui est disponible de tous et qui va être plus facilement accessible par les Etats puisque tout le monde est informé.

La donnée spatiale peut ainsi servir de vecteur de communication, de partage, de facilité de partage de l’information parce que tout le monde peut y accéder. En Europe c’est très structurant avec le programme Copernicus: l’UE finance les projets pour l’Europe afin qu’il y ait vraiment une appropriation et un suivi des différents paramètres sur les surfaces continentales à l’échelle Européenne. Il y a beaucoup de projets, notamment sur la neige, qui en Europe est un point très important: c’est le stock de neige que l’on a dans les montagnes qui va déterminer l’eau qui va fondre, ainsi que la gestion des barrages pour recueillir toute cette masse d’eau qui fond et qui est stockée pour les périodes d’étiages.


Toutes ces réflexions là en Europe sont assez cruciales, et le spatial apporte cette vision globale et uniforme.

 

Par le passé, vous avez travaillé principalement sur les grands fleuves ; qu’en est-il de votre travail sur des plus petites zones ? Le CNES finance un projet dans la zone amazonienne, pourriez-vous nous le présenter ?

Ça a évolué forcément parce qu’avec les satellites d’observation de la Terre du programme Copernicus, on arrive à avoir des résolutions de 10-20 mètres. Cela permet de détecter des cours d’eau relativement petits. Si on regarde la partie altimétrie, jusqu’à présent, on était un peu limité par la largeur des cours d’eau que l’on pouvait observer, parce que les satellites étaient prévus initialement pour les océans, on n’avait pas pensé que l’on pouvait utiliser ces données là sur la Terre. Mais on a démontré que ça fonctionnait, et c’est là que le futur satellite SWOT, qui lui est adapté, va permettre d’observer les eaux continentales, des cours d’eau qui ont une largeur entre 50 et 100 mètres. Les technologies qui arrivent font que l’on arrive à observer plus facilement des plus petits cours d’eau, alors qu'au début, c’était prévu pour des grands fleuves comme l’Amazone. Maintenant on arrive, à la fois par la technologie et à la fois par les algorithmes, à améliorer la précision et la taille plus petite des objets que l’on arrive à observer.


Le CNES supporte, via des financements et des ressources humaines, des activités sur l’Amazonie parce que l’on a un partenariat très fort avec l’IRD et notamment sur la partie altimétrie. C’est Stéphane Calmant de l’IRD, un scientifique mondialement, qui pilote. On organise chaque année en Amérique du Sud un meeting sur SWOT, qui regroupe toute la communauté d’Amérique du Sud qui s’intéresse à l’hydrologie, à l’altimétrie spatiale, et qui s’implique à la fois dans l’utilisation future des données et également pour aider à valider et calibrer les données. En effet, pour connaitre l’erreur que l’on fait, on a besoin de comparer les données spatiales obtenues avec des données in situ. Ces données servent à vérifier que ce que l’on observe est bon et de pouvoir quantifier l’erreur que l’on fait également. Sur ces projets là, on a des relations privilégiées avec l’Amérique du Sud.

D’après vous, en quoi le RIOB est un réseau important à l’échelle mondiale, dans ce domaine du partage de connaissances ?

L’histoire a commencé avec l’OIEau en 2013 quand ma collègue Selma Cherchali a organisé un colloque sur l’utilisation du spatiale, la contribution spatiale face aux enjeux de l’eau ; à cette occasion elle avait fait intervenir l’OIEau, l’AFD, et ce workshop avait été un vrai succès qui avait intéressé différents acteurs de différents horizons.


Suite à ce workshop, il y avait eu une réunion avec l’AFD et le CNES et l’OIEau où lors des échanges ils en ont conclu qu’il y avait quelque chose à faire avec le spatial et est venue l’idée de former ce groupe d’hydrologie spatiale dont le secrétariat est assuré par l’OIEau. Lors de la première réunion, l’OIEau a invité des acteurs qu’il connaissait, on a apporté des scientifiques que l’on connaissait et les personnes du monde privé qui travaillaient sur des enjeux communs. Il avait été décidé de prendre le Bassin du Congo comme premier bassin pilote parce que c’est le deuxième plus grand bassin au monde et très certainement le moins instrumenté à cause de problèmes de ressources financières et humaines pour pouvoir maintenir le réseau en place, mais aussi pour des problèmes d’accessibilité, parce que ce sont des zones complexes d’accès: le spatial a naturellement sa place puisqu’il permet d’aller à l’encontre de ces problèmes d’accès.

Le partenariat avec l’OIEau a commencé comme cela, Christophe Brachet a été convaincu de ce que le spatial pouvait apporter, et maintenant, il communique en ce sens parce qu’il voit bien, notamment sur la partie altimétrie des mesures de niveaux d’eau, qu’il y a vraiment quelque chose à faire pour optimiser les réseaux in situ, en complément de la donnée satellite, et également optimiser les réseaux et moyens que l’on y met. On se tient mutuellement au courant des différentes actions que l’on pourrait avoir. Nous avons eu une réunion avec l’OIEau et l’Unesco pour le suivi de la qualité de l’eau. Nous avons des relations étroites avec des enjeux communs, qui sont gagnantes-gagnantes pour tout le monde. L’OIEau a une implantation internationale et une connaissance des bassins et des enjeux de chaque bassins que nous n’avons pas parce que c’est simplement pas notre métier et donc on se complété et s’auto-alimente en partageant des connaissances.


Le RIOB est lui un point d’échanges entre différents acteurs qui ont les mêmes problématiques : prendre des décisions, qui sont de plus en plus pressantes face au changement climatique.


Pour cela,  on a besoin de données qualifiées, que l’on sache exploiter, partager, pour avoir des réponses réellement adaptées à un territoire et à ses enjeux. Ce réseau a donc la possibilité d’offrir ce partage de connaissances et dans ce cadre-là, ma présence ici est de faire connaitre le spatial. Ce n’est pas forcément que la donnée spatiale n’est pas disponible, c’est juste que l’on n’a pas forcément connaissance qu’elle existe et de comment on l’utilise.


Parce que toute donnée, qu’elle soit in situ ou spatiale a un domaine d’application, et il faut savoir les utiliser à bon escient. Dans certains cas, le spatial ne pourra pas répondre à certains enjeux, alors que dans d’autres, ils pourront au contraire apporter une aide et des éléments pertinents pour les différents acteurs.


Le but de ma présence : faire connaître cette potentialité-là, sachant qu’après il y a toujours un besoin d’expliquer, de former, pour justement briser les barrières qui peuvent apparaître.

Pays
Alice Andral
Source
Interview réalisée lors de la 11ème Assemblée générale mondiale du RIOB - Du 30 septembre au 03 octobre 2019 - Marrakech (Maroc) - ©RIOB 2019